Prison moyenâgeuse, crasse indicible où règnent les rats, les cafards et les punaises, maladies qui n'existent qu'en temps de guerre, détenus entassés, suicides à la chaîne, sida, toxicomanie, prostitution et viols... Tel est le quotidien de Véronique Vasseur, médecin-chef à la prison de la Santé depuis 1993 ; elle décrit cette prison dans ce livre-document poignant. À l'heure où le débat sur le monde carcéral fait rage, elle raconte les consultations dignes de la cour des miracles, la violence quotidienne, mais aussi l'opéra donné par les prisonniers, les matchs de foot, le système D... Ville dans la ville, la prison de la Santé a ses quartiers et ses règles du jeu, où se côtoient étrangers de tous pays, petits malfrats et grands terroristes, sans-papiers et VIP.
Écrit à la première personne, ce livre est un carnet de bord plus qu'un récit, le témoignage vivant d'une femme qui a vécu ce qu'elle expose ici et cherche à nous faire partager l'horreur, les souffrances et les émotions du monde carcéral. Et elle y parvient : rarement un témoignage sur la prison avait touché aussi juste. Les descriptions, les anecdotes peuvent être pénibles à lire : horreur des crimes commis, des conditions de détention, des pathologies d'un autre âge. Elles font parfois sourire, ce qui étonne dans cet enfer qu'est la Santé. Elles émeuvent toujours. La Santé, c'est une ville dans la ville où règnent la saleté, la détresse, la maladie, la perversité... Illogique, irrationnel, incompréhensible, c'est un monde à part, coupé de la vie. (...) C'est comme un grand couvent, sale et sans spiritualité. Il faut vraiment une énergie incroyable pour ne pas sombrer. C'est plus qu'une punition, c'est l'impasse totale, la bouteille qu'on referme, l'oxygène qu'on vous coupe brutalement. La plupart [des détenus] font de courts séjours dehors et se retrouvent vite ici. C'est notre ghetto, notre honte.