Le monde végétal fait tellement partie du décor de notre vie que c'est à peine si nous lui prêtons attention. Un arbre au bord de notre rue, une laitue chez le marchand, le pain qu'on coupe, la pomme qu'on croque, le sucre de notre café, le bois de notre lit, le lin de nos draps, le vin de notre cave, nous ne nous arrêtons pas souvent à songer que tous ces éléments qui conditionnent notre existence de tous les jours méritent un peu d'intérêt.
Et pourtant, il suffit d'ouvrir les yeux pour aborder un véritable univers, inépuisable par son nombre, ses formes et ses propriétés, d'une variété presque infinie, qui nous a précédés et nous survivra sans doute, qui s'est adapté aux conditions les plus extravagantes, qui a colonisé la surface de la terre depuis les rochers du pôle jusqu'aux sables en apparence stériles des déserts, et toutes ces plantes ont simplement exécuté des variations inépuisables sur le seul thème de la chlorophylle. Cette chlorophylle est une substance miracle, que la Vie a inventée du premier coup. Elle lui a permis de construire des laboratoires miniaturisés extraordinaires, où se sont élaborées toutes les formes, mais aussi tous les corps les plus complexes dont nous faisons la meilleure part de notre nourriture. Sans les végétaux, aucune vie animale ne serait concevable.
Ils sont au commencement de tout, et à la fin de tout. Ils sont d'une telle importance que chaque région est caractérisée par sa flore autant que par sa population. Et bien souvent c'est la végétation qui conditionne l'existence même de l'homme et son style. Il y a des civilisations du blé, de la vigne, du riz, du maïs, du manioc, et j'en passe.
Pour notre seule France, qu'on songe aux différences de physionomie entre les grandes plaines à blé et à betteraves du Nord, et les rivages ensoleillés et arides de la Méditerranée, entre la forêt du Jura et des Vosges, et la désolation des Causses, entre les gras pâturages de la Normandie et les cailloux de la Crau.