A bien des égards, Par-delà le bien et le mal est une synthèse complète de la philosophie de Nietzsche à sa maturité, et plus particulièrement de sa pensée morale. Le livre se compose de 296 aphorismes, d'une longueur très variable. Ces aphorismes sont regroupés thématiquement en neuf chapitres. Bien que chaque aphorisme puisse être lu et analysé de manière indépendante, on peut voir une progression linéaire entre les aphorismes et au sein des chapitres.
La préface accuse les philosophes de dogmatisme, notamment les philosophes chrétiens, et le premier chapitre développe cette critique. Chaque grande philosophie, selon Nietzsche, n'est guère plus qu'une confession personnelle. Ainsi, les philosophes construisent des systèmes complexes de pensée pour justifier leurs propres hypothèses et leurs préjugés. Au dogmatisme de ces philosophes, Nietzsche oppose «l'esprit libre», qui consiste à adopter une démarche expérimentale, à tester toute idée avant de la réfuter au lieu de penser de manière systématique.
Nietzsche revient sur les thèmes développées dans la Généalogie de la morale : il s'en prend également à l'esprit de troupeau, cette propension des masses à agir sans réfléchir, à la manière des moutons de Panurge. En découle un nivellement vers le bas, une morale terne, une morale d'esclave, signe selon Nietzsche de la grave maladie contractée par notre civilisation. Face à cet esprit du troupeau, au démocratisme mou, Nietzsche en appelle à un ordre de rang, une nouvelle hiérarchie, autrement dit un perspectivisme moral selon lequel on ne peut appliquer la même morale à tous : les hommes supérieurs sont ceux qui peuvent inventer leurs valeurs, se poser et s'assumer comme supérieurs aux autres. Face à la démocratie montante, Nietzsche veut réintroduire une aristocratie intellectuelle et morale.
Nietzsche s'attaque par la suite à la question des nationalités, en s'appuyant sur une sorte de lamarckisme, afin de démontrer qu'aux nationalités correspondent certaines caractéristiques. Mais son analyse la plus intéressante a trait au nationalisme, qu'il critique de manière très virulente, comme une émanation de l'instinct grégaire, un refus de s'assumer comme individu. L'individu « noble » se hisse au contraire au-dessus de son appartenance nationale. L'âme noble est une âme solitaire, tourmentée, incomprise de la masse.