En l'espace de trois romans et d'un essai, Jean-Michel Truong est parvenu à se poser en maître incontesté ès pires cauchemars de l'humanité. Qu'il interroge, loin devant la meute, la question du clonage (Reproduction interdite), qu'il s'inquiète du devenir de la conscience humaine face à l'expansion croissante des agents logiciels (Le Successeur de pierre), le romancier incarne à lui seul le dernier soubresaut de l'esprit critique avant la catastrophe finale. Difficile pourtant d'asseoir sa renommée éditoriale auprès du grand public en criant à chaque fois au loup, filon ante ou post-apocalyptique dont on peut penser à bon droit qu'il finira, à force de sollicitations littéraires, par s'éteindre. Ce serait sans compter avec le talent et l'imagination d'un auteur qui ne recule devant aucun abîme, toujours prêt à affronter le pire afin de nous secouer.Et quoi de mieux qu'un train pour tirer le signal d'alarme ? Un TGV à peine futuriste qui traverse l'Europe à l'aube des années 2000 pour emmener en Chine, dans une ville utopique, Clifford Estates, où ils vont vivre leurs derniers instants, une cohorte de vieillards dont les enfants ne peuvent plus assumer la prise en charge financière. C'est que les temps sont durs pour tout le monde, a fortiori pour une Union européenne qui sort exsangue de répétitives crises, à la fois économique et démographique. Malgré le miroir aux alouettes de l'Eternity Rush, start-up prétendant palier dégénérescence et vieillissement qui a précipité le crash boursier de la net-économie (on retrouve au passage certaines des audacieuses thèses de Totalement inhumaine), les papyboomers de la "Bubble-Generation" ne peuvent plus trouver leur salut que dans l'exil.