Il s'appelle Diego García, mais on dit l'Accusé, au cours de ce procès d'Inquisition qui ne laisse pas de prendre une drôle de tournure. Ils sont tous là, les évêques, le dominicain aux bésicles, aigre procureur, et le président, qui pourrait se prendre d'amour pour ce jeune accusé qui a de drôles d'idées. Entre autres que l'homme pourrait bien voler, monté sur une machine pourvue d'ailes, et d'une nacelle de jonc. Quelle doit être la longueur de ces ailes ? Le poids d'une telle machine ? Et le diable, dans tout ça ? Il plane au-dessus de la salle des Sentences, avec les sorcières, les corbeaux, les rocks et les griffons, et tout ce qui vole au temps de l'Inquisition. Entre-temps, les minutes courent comme les nuages de l'orage qui se déchaîne au-dessus de cet étrange tribunal flottant dans un monde improbable, un rayon de soleil tourne et poursuit l'Accusé au travers des vitraux, une mouche vole, un ange passe. Les débats se délitent, le Président fond, le Dominicain s'effondre. Cette vieille Inquisition, ce vieux thème si espagnol, palpite encore dans les pages de Javier Tomeo.Mais surtout, il crée, comme par enchantement de mots, une espèce de théâtre poétique et sonore, une vision d'un moment, peuplée de marionnettes agitées par des doigts malins et visibles, insidieusement attachantes, dans une lumière de lanterne magique.