Rien n'est jamais écrit d'avance, mais tous les analystes informés et non aveuglés par l'idéologie s'accordent à reconnaître que le capitalisme financier, miné par sa propre logique spéculative, ne pourra pas prolonger indéfiniment son expansion. Et que la crise éclatera d'abord, selon toute vraisemblance, en son épicentre, aux Etats-Unis, dont les taux d'endettement, individuels ou collectifs, sont proprement ahurissants. Mais sous quelle forme ? Quand, comment et pourquoi ? Selon quels enchaînements probables ? Le grand intérêt de ce livre de Paul Jorion, qui connaît admirablement le système financier américain, de l'intérieur, est d'apporter des réponses extraordinairement précises et documentées à ces questions. En fait, le lieu de vulnérabilité principal n'est pas tant la Bourse, qui ne représente que 20 % de l'enrichissement des ménages américains depuis les années 1980, que le secteur immobilier (60 % de cet enrichissement), artificiellement soutenu par tout un ensemble de politiques gouvernementales, en fait extrêmement interventionnistes. Paul Jorion, autant anthropologue qu'économiste, nous fait découvrir une société américaine presque inconnue en France, tout entière portée par le devoir quasiment messianique de foi et d'espérance en un avenir de prospérité générale. Or le système se grippe. La spéculation immobilière touche à ses limites dès lors que l'augmentation des prix de l'immobilier décolle par rapport à des revenus qui stagnent et que se multiplient les faillites personnelles. Si l'Amérique s'écroule, le monde tremblera.