Au tournant du xxe siècle, l'oeuvre de Nelligan s'impose et marque la poésie québécoise de façon décisive. En effet, au romantisme grandiloquent le jeune poète substitue un symbolisme évocateur, puisé à même sa sensibilité et son esprit créateur, mais aussi inspiré par de grands poètes européens tels que Verlaine, Baudelaire, Rimbaud et Rodenbach. En l'espace de trois ans (1896-1899), avant même de franchir le cap de ses vingt ans, le poète crée son oeuvre. Il passera le reste de sa vie (1899-1941) entre les murs d'un asile, livré à une douloureuse solitude. "Une ébauche de génie", dira Dantin, voulant ainsi résumer le drame de la prodigieuse création d'un poète brisé. Grâce à Réjean Robidoux et Paul Wyczynski, l'oeuvre de Nelligan se présente aujourd'hui sous un éclairage nouveau qui fait davantage valoir le lyrisme authentique du poète et la singularité de son écriture.
Emile Nelligan est le plus grand poète lyrique du Québec. Sa vie et son oeuvre se confondent dans la même fulgurance. Né à Montréal en 1879, marqué par Musset, Verlaine et Baudelaire, il écrivit des poèmes sur les paradis perdus de l'enfance, le visage consolateur de la femme, la nostalgie des pays inconnus dont le lointain désespère le désir. Cet écrivain du néant, cet " hypocondriaque au front blêmi ", fut interné en 1899 et passa quarante-deux ans dans un asile, au coeur de l'universelle souffrance. Il meurt en 1941, et devient une légende, l'ange maudit de la poésie nord-américaine.