Du nouveau chez Jacques Henrard! Dans son Gaspard sur la brèche, même qualité d'atmosphère que dans L'Homme brun et L'Ecluse de novembre (Prix Rossel 1965), même tendresse pudique et attention aiguë aux nuances des êtres. Mais il s'y mêle, cette fois, un souffle de bonheur et un humour complices.
Un garçon un peu bête, une rue, une ville, un amour qui se nourrit de ses maladresses... Le scénario pourrait être emprunté à un film de Jacques Demy, les couleurs, savamment naïves, à une toile d'Utrillo. Ce conte baigne dans un irréalisme raffiné. Le mensonge poétique se fait stratégie. Pour le percer, il nous faut accepter de fausser notre regard. Mieux : de le faire coïncider avec celui - fort myope - de Gaspard. Non pour nous perdre dans le monde édulcoré du rêve, mais pour accéder à celui, plus courageux, de l'espoir.
Le roman noir, depuis vingt ans, a perdu beaucoup de terrain. Gaspard sur la brèche fait passer dans nos lettres, avec une vigueur d'écriture et une sincérité qui forcent le respect, le courant de fraîcheur et de santé dont nous avons besoin.