Un livre et deux voix. Celle de deux amants séparés, qui se retrouvent devant une porte de la maison auparavant commune, et qui vont se raconter. Raconter leur personnalité, leur rencontre, ce qui les a unis et désunis plus tard. Lui en bonimenteur de robots ménagers sur les marchés, elle en commerçante d'une boutique d'alimentation, attachée à son père vieillissant, gagnée par une peur d'elle-même, se remettant en question dans un exercice de mémoire. Un exercice qui fait rejaillir à la surface les appréhensions, les désirs, les faux pas d'une vie conjugale, une suite de petits riens mis bout à bout. Comme les produits alimentaires que l'on trouve sur les étals d'un commerce. Anne Terral joue de l'énumération, du bavardage de marché de province avec une froide lucidité, toujours juste dans le ton. Plongé dans la nuit des autres comme dans la sienne, c'est-à-dire dans l'insondable et l'incompréhension, ce vrai faux dialogue (l'interlocuteur jouant le rôle de faire-valoir aux interrogations) pourrait bien conduire la narratrice au bout du tunnel, du côté de la lumière, là où l'on saisit enfin quelque chose dans l'existence.