Mario, fonctionnaire dans une petite ville, partage sa vie entre son travail et sa passion pour sa femme, Blanca. C'est un jeune homme simple, attaché aux valeurs traditionnelles, et si Blanca le fascine à ce point c'est qu'elle représente le côté exquis de la vie, l'insouciance bourgeoise, la fantaisie. Mais peu à peu Mario sent une menace inquiétante peser sur son couple. Blanca s'évade, échafaude des projets qu'il ne comprend pas, et entre ces deux êtres l'incompréhension et la souffrance s'installent. L'amour peut-il survivre à sa propre disparition ? La réponse désespérée d'Antonio Muñoz Molina (l'auteur de Pleine Lune, prix Femina étranger) dans ce court roman circulaire est une véritable leçon de stratégie littéraire et de maîtrise absolue du style, bref et magnifique hommage à Flaubert.
Antonio Muñoz Molina n'en finit donc pas de surprendre. On le sait amateur des travers de la bourgeoisie, épingleur des pouvoirs de l'argent, dessinateur féroce des classes, ironique et drôle. Avec En l'absence de Blanca, il conserve ses bonnes habitudes (et ses recettes efficaces), et se renouvelle. Molina jette sur la scène un homme (le narrateur), au demeurant modeste et sans prétention, dépourvu d'ambition... Jusqu'au jour où celui-ci, en toute innocence, permet à une artiste encore jeune mais au portefeuille bien garni, d'éviter de sombrer sans retour dans la déchéance... Quelle drôle d'idée ! Qui le conduit à tomber fol amoureux d'elle, la marier, monter sur un piédestal et gérer son existence quotidienne selon ses bons vouloirs. Situation périlleuse s'il en est, quand on observe (et témoigne !) combien cette singulière Blanca se laisse manœuvrer et séduire par les faux-semblants, les artistes parvenus ou prétentieux et les institutions ! C'est sans doute là que l'esprit cinglant et amusé de l'auteur se déploie au mieux, dans la critique des esbroufeurs de l'art. Un livre à la fois lucide et hystérique, jubilatoire.