» Article de Aout 2016 Année » page 261

Dousteyssier-Khoze, Catherine - La Logique de l'amanite



Nikonor, érudit snob et acariâtre, vit retranché dans son château, en Corrèze. Il se passionne pour la mycologie (surtout cèpes et amanites) et la littérature.
Au fil des pages, on va découvrir les confidences étranges qu'il nous livre sur sa famille.
Pourquoi voue-t-il une telle haine à sa soeur jumelle Anastasie ? Et qu'est-il advenu de ses proches ?



Hubert Mingarelli - La lettre de Buenos Aires



En phrases nouées comme des rivières vertes et silencieuses, qui se délitent, enflent et cheminent vers une réconciliation parfois infime, Mingarelli embrasse les mystères de la vie, délace des tragédies d'hommes humbles, tous antihéros. La nature, sauvage, aride, magnifique, prend ici des allures de mère consolatrice, comme une improbable promesse.

Extrait :

"Une souris mélancolique me regarde pendant que je fais la vaisselle. Il y a quelques jours déjà qu'elle sort du tas de bois que j'ai monté devant la fenêtre, et qu'elle me voit à travers la vitre. Elle a dû faire son nid entre les bûches, et lorsqu'elle entend l'eau de mon évier couler dehors, elle grimpe tout en haut du tas, et ses yeux gris m'évoquent la mélancolie. [...] Je n'ai personne à qui parler ici, si bien que je parle à la souris. Je ne lui dis rien d'extraordinaire. Il m'arrive de faire durer ma vaisselle, ou même, lorsqu'elle est finie, de laisser couler l'eau. Ainsi elle ne retourne pas tout de suite à l'intérieur du tas de bois. Je reste debout devant l'évier et je continue à lui parler.C'est la nuit que j'aurais besoin d'elle. J'entends le ressac, et parfois le vent. J'entends battre mon coeur et je voudrais le dire à quelqu'un. La nuit, ma peur entre dans la maison et vient s'asseoir sur mon lit. J'entends alors la mer le vent et mon coeur, et j'ai du mal à retrouver le sommeil..."



Hubert Mingarelli - L'année du soulèvement


Hubert Mingarelli, romancier, nouvelliste, est notamment l'auteur de Quatre soldats, prix Médicis 2003, Hommes sans mère, Océan Pacifique. Son oeuvre est traduite dans une dizaine de langues.

Extrait :

"Les trois hommes gravissaient le versant doré de la colline, entre les fougères et la bruyère. Par endroits, ils enjambaient la source qui descendait le flanc escarpé. L'officier San-Vitto marchait en tête. On lui avait retiré sa veste d'uniforme et sa ceinture. Afin que son pantalon tienne, il en avait roulé le haut sur ses hanches, et pour cacher qu'on lui avait pris sa ceinture, il avait sorti sa chemise par-dessus. La plupart du temps il regardait par terre, là où il posait les pieds, et il faisait un grand pas au-dessus de l'eau lorsqu'elle traversait le sentier. Lorsqu'il levait les yeux pour apercevoir le sommet, il ne le voyait pas à cause des châtaigniers et des chênes. Alors il regardait vers le bas, il voyait des routes, des champs jaunes et des maisons. Derrière lui, Daniel grimpait en suivant des yeux le bord du sentier. Il chantonnait tout bas. Il était jeune et maigre, et par moments, il se voûtait comme un vieillard et du menton il touchait son sternum. Quelquefois, il levait les yeux sur le prisonnier. Puis il recommençait à chantonner, et à surveiller le bord du sentier..."



Hubert Mingarelli - Une rivière verte et silencieuse


Un père aime son fils qui aime son père. Tout cela se vit sans éclat, dans une modeste maison, raconté à mots feutrés par le fils. Une rivière verte et silencieuse est un texte intemporel, dans une ville indéfinie, avec son usine de compresseurs au milieu d'une vaste étendue d'herbes hautes. Dans ces étendues grasses, le narrateur a creusé un tunnel à ciel ouvert, véritable refuge dans lequel il marche, imagine et rêve d'un bras de rivière traversé par un pont, une rivière verte et silencieuse. Le père a été ouvrier dans l'usine de compresseurs. Maintenant, il désherbe les pelouses des contremaîtres de l'usine. C'est un échec qui s'engourdit dans un quotidien précaire. Père et fils comptent alors sur leurs plantations de rosiers dans une centaine de pots qui rapporteraient assez d'argent pour vivre sans la hantise du lendemain. En attendant, on échange des jeux dérisoires, des silences songeurs, des têtes à têtes autour des repas, un rituel de la prière fondée sur l'espoir. Au bout des silences, des phrases courtes, il s'agit pour le narrateur de reconsidérer le père, de le mieux saisir, de pouvoir l'évoquer avec fierté, loin du "raté" méprisé par tout le monde.



Lachaud, Denis - Ah ! ça ira



Sur le bord du trottoir, dans la fraîcheur de l'aube, il attend. Près de lui ses compagnons d'armes, visage fermé, silencieux. Dans un instant ces hommes seront des assassins, des terroristes, ils vont agir sans le moindre état d'âme. Ils sont entraînés à cela, repérés pour cette capacité de se placer instantanément en état de guerre. Vingt-et-un ans plus tard, Antoine sort de prison. Sa fille Rosa n'a pas trente ans, celle qui, pour une large mesure, l'a maintenu en vie pendant tout ce temps, cette présence, cette ultime raison d'être malgré l'enfermement, l'attend ce jour-là. Et pourtant, un père terroriste : quel silence, quelle inquiétante fragilité a-t-elle pu, a-t-elle dû surmonter pour traverser cette impossibilité. Nous sommes en 2037, Paris est une ville où il est devenu impossible de se loger, la faillite sociale est infernale, la rébellion gronde, l'insécurité et l'inégalité sont innommables mais le temps de la révolte ne passe plus par la violence. Lointaines pour la génération de Rosa, ces idées de libération armée sont en quelque sorte périmées : les actions terroristes, les endoctrinements idéologiques n'ont plus de sens, plus de poids, et la démocratie telle que l'a connue le monde du XXe siècle a fait long feu. Il faut maintenant changer le monde, le changer vraiment. En quelques jours une nuée de tentes s'installe dans le jardin Marcel Proust situé aux abords du palais de l'Elysée. Un jeune homme brisé par l'injustice administrative se donne la mort publiquement, des milliers de personnes se mobilisent, au-delà des banlieues, enfermées derrière les murs du Grand Paris, les étrangers émigrés sont retenus mais la rumeur s'infiltre, dans toutes les langues. L'information circule de bouche à oreille, les réseaux sociaux rassemblent et convoquent en chacun la citoyenneté nécessaire au présent. Le temps de l'engagement est venu, celui du passage à l'acte citoyen. Enfin, le mouvement advient.



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