La guerre entre Rome et Carthage modifia l'idée qu'on se faisait de la guerre même. Il y eut un avant et un après Hannibal. Les conflits, qui éclataient ici et là, demeuraient localisés à une région et n'avaient eu pour prétexte que des intérêts particuliers entre deux États, la défense d'un territoire ou l'ambition personnelle d'un souverain. Si leur empire fut assez étendu, jamais les Perses n'en repoussèrent les frontières au-delà du continent asiatique. Si les Macédoniens conquirent la Grèce, ils en restèrent les maîtres une douzaine d'années, de la bataille d'Aigos-Potamos (405 avant J.-C.) à la bataille de Cnide (394), et leur territoire n'occupait qu'une partie restreinte de l'Europe, car ils ne songeaient à coloniser ni la Sicile, ni la Sardaigne, ni aucune contrée de l'Afrique. En moins de cinquante-trois années, de 221 à 168 avant J.-C, les Romains s'approprièrent la terre entière. Que se passa-t-il donc à la cent quarantième olympiade (220-216 avant J.-C), pour que la défaite et la victoire d'un peuple, ici ou là, ait un retentissement dans l'ensemble du bassin méditerranéen, et de l'Afrique à l'Asie ? Il y eut la «guerre sociale», celle que Philippe de Macédoine, fils de Démétrius et père de Persée, mena contre les Étoliens jusqu'en 217, année du traité de paix. En Asie, Antiochus III, roi de Syrie, et Ptolémée IV Philopator s'opposèrent pour la possession de la Coelosyrie, territoire globalement localisé entre la Syrie séleucide et l'Égypte ; la guerre, déclarée par Antiochus en 221 avant J.-C, se termina en 217 à la bataille de Raphia, la plus célèbre après Issos, avec la victoire de Ptolémée, et les différentes clauses du traité de paix qui fut signé. Les hostilités entre les Romains et les Carthaginois sont connues sous l'expression «guerres puniques», ou encore «guerre d'Hannibal» pour celle qui nous intéresse ici, et qui correspond à la deuxième des trois guerres puniques. Avant ces événements, les conflits qui éclataient ici et là n'avaient aucun lien entre eux. Après avoir vaincu, soumis, anéanti les Carthaginois, la république romaine crut que rien ne pourrait désormais lui résister. Elle fit passer ses armées en Grèce et en Asie dans un esprit de conquête, avec l'assurance de la victoire. C'est dire en quelle haute estime les Romains tenaient les Carthaginois d'Hannibal, pour, les ayant défaits, se croire autorisés à devenir les maîtres de toutes les terres habitées et de toutes les mers.