Que peut-on savoir des premières guerres de Rome ? Quelle a été la portée des défaites romaines au sein de ces conflits militaires, qui ont tous
été réécrits postérieurement comme des victoires indubitables de Rome ? Assurément, l'histoire des plus anciennes guerres romaines n'est
connue qu'à travers des récits écrits plusieurs siècles après les faits. Confrontés à d'importantes lacunes documentaires, leurs auteurs n'ont
pourtant pas renoncé à reconstruire l'histoire des guerres qui ont permis aux Romains de s'affirmer progressivement comme une puissance
hégémonique en Italie. Ces historiens ont même composé des récits très détaillés et souvent cohérents de ces conflits militaires, en s'appuyant
sur des archives familiales et publiques, des inscriptions, ainsi que sur des récits oraux. À en croire les Anciens, ces sources divergeaient
fréquemment, à tel point que les récits conservés présentent des versions différentes des mêmes événements. De plus, chaque oeuvre reflète
les choix de son auteur ainsi que sa réinterprétation singulière du passé romain, qui évolue selon l'orientation de son ouvrage et l'époque à
laquelle il écrit (de celle d'Auguste jusqu'aux premiers temps chrétiens). Dans un processus de mise en intrigue de l'histoire archaïque, ces
historiens ont parfois exagéré le nombre et la portée des victoires romaines, nié l'existence de défaites que d'autres auteurs admettaient
pourtant, réécrit des épisodes entiers en s'inspirant de l'histoire grecque et envisagé, plus largement, les premières guerres de Rome comme l'
amorce d'un processus de conquête qui prédestinait la cité à gouverner le monde connu. En s'appuyant sur un catalogue exhaustif des
affrontements rapportés par les textes entre 753 et 290 av. J.-C. (747 entrées), cette étude propose d'analyser les logiques de réécriture des
premières guerres romaines, et tout particulièrement les enjeux complexes que présentent la mise en récit des défaites et des victoires, leur
alternance ainsi que l'intrigue construite autour de ces péripéties.