Il y a d'abord cette lumière jaune, intense, d'un soleil d'hiver qui brille au-dehors. Un soleil qui éblouit sans réchauffer. Puis on découvre le vieil homme immobile. II s'est détourné de sa table de travail et du livre qu'il étudiait : pour réfléchir ? Se reposer ? Méditer ? Notre regard glisse ensuite vers la droite et remarque la porte basse de la cave. Puis il est attiré par l'escalier en colimaçon. Au moment où il s'apprête à gravir les premières marches, il découvre le feu qui crépite dans l'âtre et une femme attisant la braise. Il revient vers l'envol des marches : mais elles ne conduisent qu'à de l'obscurité.
Le tableau est petit, le lieu qu'il dépeint est sombre, mais on a le sentiment d'un vaste espace. C'est le génie de Rembrandt, qui fait voyager notre regard dans toutes les dimensions. En largeur, depuis la gauche, d'où irradie la lumière du jour, vers la droite, où celle du feu est fragile, presque dérisoire; le dialogue d'un soleil qui éclaire sans réchauffer et d'un feu qui réchauffe sans éclairer ; soleil de la raison et feu de la passion, deux ingrédients pour philosopher ? En hauteur, avec cet escalier en colimaçon qui relie profondeurs secrètes de la cave et mystères obscurs de l'étage. En profondeur, depuis le fond du tableau où siège le philosophe jusqu'au cercle de ténèbres qui l'entoure. Mais le sentiment d'espace vient aussi du jeu subtil entre le dévoilé et le caché. Ce qui importe, c'est ce qu'on imagine : de l'autre côté de la fenêtre, derrière la porte de la cave, en haut de l'escalier. Et le plus vaste de ces univers cachés à nos yeux qui sont passés trop vite : l'esprit du philosophe, son monde intérieur. Ténèbres et pénombres, un peu de lumière, un peu de chaleur. Et un esprit en marche. Est-ce à cela que ressemble notre intériorité ?