En ce temps-là les Bourbons régnaient sur la France, les Turcs étendaient leur empire et l'effroyable Costandis, fameux pirate, écumait la Méditerranée, massacrant à tour de bras, qu'il avait énormes. Seuls les moines, qui alors prenaient la mer, faisant commerce de saintes reliques, trouvaient grâce à ses yeux et seul un peintre, qu'il avait à son bord, blême de terreur, obtenait sa faveur... Mais peu à peu le peintre reprit des couleurs et l'ardeur barbaresque qui bouillonnait dans le sang du pirate se fit religieuse ; pire encore, sa démence se fit tout amour. "On se croit embarqué dans une bonne vieille histoire de pirates bien saignante, et crac ! Nous voilà en Angleterre, en plein délire religieux, puis crac ! En Grèce, sur le flanc verdoyant d'une montagne, dans une comédie villageoise grand guignolesque". Car les vertus chez Hadziaryiris sont aussi monstrueuses que les vices, et le rire (jaune) et l'horreur (noire) toujours se marcheront sur les pieds.
Sûrement le roman le plus fort et le plus drôle de Costas Hadziaryiris. C'est d'abord un récit d'aventures, une bonne vieille histoire de pirates bien saignante, où les péripéties s'accumulent, ahurissantes où les personnages deviennent excessifs et changeants, où l'auteur joue avec l'intrigue et se joue du lecteur. Une histoire folle. Un monde régit par deux lois : celle du plus fort, celle du plus malin. Un monde forcené, où les seules idées sont les idées fixes, où les sentiments détruisent ceux qu'ils agitent. Dans ce monde quasi abstrait, chacun peut se retrouver. Car le noir de cet humour, le jaune de ce rire - on dirait Dostoievski joué par Guignol, Beckett raconté par Voltaire, Stevenson revisité par Kafka -, ce sont bien les couleurs de notre temps.